Quand Instagram devient végétal : une tendance en pleine ébullition
Depuis quelques années, un changement subtil mais significatif agite les assiettes sur les réseaux sociaux. Exit le foodporn saturé de fromages fondants et de viandes grillées à outrance. Aujourd’hui, sur Instagram, TikTok ou YouTube, ce sont les plats à base de légumes, de céréales complètes et d’ingrédients végétaux qui prolifèrent sur nos feeds. Un virage qui ne doit rien au hasard : la cuisine végétale séduit de plus en plus d’influenceurs food français… et ce nouveau storytelling culinaire influe directement sur les habitudes de la jeune génération.
Mais comment expliquer ce phénomène ? Et surtout, pourquoi le contenu des influenceurs pèse-t-il aussi lourd dans nos choix alimentaires ? Voici un état des lieux méthodique de la tendance, avec à la clé, des clés de lecture concrètes pour mieux comprendre – et éventuellement adopter – cette mouvance food bien ancrée dans son époque.
Une mutation culturelle portée par les chiffres
Selon une étude menée en 2023 par Santé Publique France, 38 % des jeunes de moins de 25 ans se disent « attentifs » à leur consommation de produits d’origine animale, et 18 % envisagent de réduire leur consommation de viande dans les prochaines années. Parallèlement, les recherches Google sur les termes « recette végétale », « filet de tofu » ou « lasagnes vegan » ont explosé entre 2020 et 2023 (+124 % selon Google Trends).
Et les influenceurs ne sont pas étrangers à cette montée en puissance. Grâce à leur capacité à vulgariser la cuisine végétale à travers des visuels appétissants et des formats courts et engageants, ils contribuent à populariser une alimentation perçue hier encore comme restrictive.
Des figures de proue bien identifiées
Le succès de la cuisine végétale en ligne tient pour beaucoup à une poignée de créateurs de contenu bien établis dans l’écosystème food français. En voici quelques-uns qui pèsent lourd dans la balance :
- Léna Mahfouf (Léna Situations) : Bien que non exclusivement vegan, elle met régulièrement en avant des contenus végétariens ou végétaliens lors de ses vlogs voyage ou routines bien-être.
- Eva Les Petites Choses : Son compte Instagram décline une esthétique ultra-soignée autour de repas simples, sains et 100% végétaux. Ses reels recettes rencontrent un franc succès auprès des 18-30 ans.
- Le Petit Chef Vegan : Avec ses formats dynamiques sur TikTok, il montre qu’on peut cuisiner végétal sans sacrifier le goût ni se ruiner. Il a récemment lancé une série « plats végétaux à moins de 3€ par personne » qui cartonne chez les étudiants.
Ces influenceurs, par leur régularité et leur authenticité, ont su gagner la confiance de leur communauté. Ils ne prêchent pas, ils partagent. Et cette nuance change tout.
Un levier éducatif pour les jeunes générations
La génération Z n’est plus seulement influencée par les labels bio ou les campagnes publicitaires des marques de grande distribution. Elle cherche du vrai, de l’expérientiel, du « testé et approuvé ». Dans cette logique, suivre une créatrice culinaire qui montre en story comment faire un dahl de lentilles en 10 minutes… a plus de poids qu’un argument nutritionnel énoncé sur un packaging.
D’autant que cette génération est souvent confrontée à de nouvelles réalités :
- Un budget alimentaire restreint
- Une éco-anxiété croissante face à la surconsommation
- Un attrait pour les démarches responsables… mais « faciles à adopter »
La cuisine végétale répond à toutes ces préoccupations : elle est bon marché, elle diminue l’empreinte carbone, et elle permet de prendre soin de sa santé sans tomber dans des régimes contraignants. Vu sous cet angle, on comprend mieux son succès croissant.
Recettes accessibles et visuels viraux : les clés de l’engagement
Ce que les influenceurs food maîtrisent à la perfection, ce sont les codes de communication de leur génération. Une recette ne rencontre pas le succès parce qu’elle est la plus raffinée, mais parce qu’elle est :
- Facile à réaliser (de préférence avec 5 ingrédients ou moins)
- Visuellement engageante (des couleurs vives, une texture fondante ou croustillante, une mise en scène chaleureuse…)
- Utilisable dans la vraie vie : lunchbox, repas express, dîner entre amis
Exemple parlant : la vidéo de recette des tacos vegan « effilochés de champignons façon pulled-pork » publiée par @HealthyClo a généré plus de 850 000 vues en 24h. Pourquoi ? Parce qu’elle combine un visuel alléchant, une recette bluffante de simplicité, et l’astuce de cuisson qui fait toute la différence.
Des partenariats qui influencent, mais pas aveuglément
Les marques ne s’y trompent pas. De nombreuses entreprises de foodtech ou de grande distribution orientent désormais leur stratégie de communication vers ces influenceurs spécialisés : tofu mariné prêt-à-cuire, steak végétal « à l’ancienne », substituts crémeux à base de noix de cajou… Les collaborations sont légion, mais restent bien souvent filtrées par l’exigence de cohérence éditoriale des créateurs.
Certains refusent même les partenariats quand ils jugent le produit non conforme à leurs valeurs ou à leur image. C’est le cas de Lisa (alias @MonBentoVegan), qui a publiquement refusé de collaborer avec une marque de simili-carné jugée trop transformée.
Cette sélection rigoureuse renforce la légitimité de leur discours et renforce, paradoxalement, la confiance des followers vis-à-vis des futur·es partenariats.
Manger végétal sans se sentir “à côté”
Longtemps perçue comme une lubie de bobos parisiens ou comme un régime contraignant, la cuisine végétale est en train de devenir populaire, accessible et, osons le dire, cool. Cela tient à la manière dont elle est racontée : humaine, imparfaite, connectée aux émotions et à l’instant présent.
Lorsqu’un influenceur partage une vidéo où il cuisine un curry coco-épinard en racontant son dimanche pluvieux, on humanise l’acte alimentaire. Et on désacralise la cuisine végétale. Ce n’est plus une écriture militante, c’est une invitation à se faire du bien… avec des pois chiches et du curcuma.
Quelques ressources pour passer à l’action
Si vous êtes tenté·e de suivre le mouvement ou simplement d’en comprendre les rouages sans tomber dans l’idéologie, voici quelques ressources utiles repérées par notre rédaction :
- L’application Yuka pour analyser la composition des produits alternatifs végétaux (certains simili-carnés sont bourrés d’additifs… mieux vaut le savoir avant d’acheter).
- Le compte Instagram de @LaVégéTable, qui propose un mois de menus végétaliens gratuits et saisonniers.
- Le podcast « Bouffe et Bien », qui interroge notre rapport à l’alimentation avec des invités du monde culinaire et de la santé.
Et bien sûr, ne pas hésiter à commencer simple : un chili sans viande, un smoothie à base de lait d’avoine, ou un plat de pâtes au pesto de roquette. La cuisine végétale n’a rien d’un dogme. C’est une palette d’options, dans laquelle on peut piocher à son rythme.
Une influence qui façonne durablement les comportements alimentaires
Les influenceurs food français ne se contentent plus de partager de jolies images d’assiettes colorées. Ils redessinent les contours de ce que l’on considère aujourd’hui comme une « bonne alimentation ». Par la force de leur communauté, la régularité de leur contenu et un ton bienveillant et authentique, ils ont rendu la cuisine végétale visible, désirable et imaginable au quotidien.
Et à bien y regarder, ce changement, amorcé sur les réseaux, s’infuse doucement dans la vraie vie : dans les rayons des supermarchés, sur les cartes des restaurants, et de plus en plus, dans nos casseroles.